Témoignage de Jean-Paul qui a répondu favorablement à l’appel au sacerdoce de Mgr GRUA, dimanche 3 juillet 2011, en l’église de Vabres.
Peut-on devenir prêtre après avoir été marié et en ayant des enfants ?
Cette question qui suit l’étonnement, chaque fois que j’évoque mon cheminement personnel, m’est très souvent posée. Il est vrai qu’il n’est pas si fréquent qu’un père de famille, veuf, soit ordonné prêtre, et qu’à ce titre, ce choix peut paraître atypique. Toutefois, le Seigneur appelle sans cesse des ouvriers pour la moisson, il nous appelle tous à des missions diverses, avec une infinie patience, quelles que soient nos limites, nos imperfections, nos doutes. Personnellement, j’ai mis plusieurs années à entendre, à discerner et finalement à accepter cet appel particulier qui m’a été adressé à plusieurs reprises par l’Eglise. Mais ce choix ne fait pas de moi un extra-terrestre, je suis un homme « ordinaire » qui a eu la grâce de mener une vie plutôt « ordinaire ».
Issu d’une famille d’agriculteurs plutôt modeste, qui devait se contenter de peu mais qui n’a jamais manqué de l’essentiel, mes parents, qui possédaient une petite propriété, ont du travailler beaucoup, et trouver des activités complémentaires pour nourrir leurs quatre enfants. En fait, par leur labeur et leur foi, ils nous ont laissé un héritage plein de richesses spirituelles dans lequel je puise encore. La famille proche comptait également deux oncles prêtres, et un frère des écoles chrétiennes (un second était décédé avant ma naissance). Ils ont été des témoins attentionnés et proches de chacun de leurs nombreux neveux et nièces. Fidèles serviteurs du Christ et de l’église, tout comme le Père Noël PONS, curé plein d’énergie et de joie de vivre de ma paroisse d’origine, ils ne sont pas pour rien dans mon itinéraire d’aujourd’hui.
Cette vie simple était aussi confortable. Enfant, je me sentais en sécurité dans ma famille unie, et paisible. Certes elle avait ses limites et ses défauts, mais elle était très ouverte aux autres ; il y avait beaucoup de passage à la maison, l’accueil du voisin, des amis, de la famille, des vacanciers… tenait une grande place. La foi en Dieu de mes parents, imprégnait, colorait toute cette vie de labeur et de partage, et contribuait largement à éveiller nos cœurs d’enfants à notre prochain, et à encrer en nous les valeurs chrétiennes.
Ces valeurs ont été pleinement partagées par la suite par mon épouse, Cathy, qui pendant 23 ans m’a donné de vivre une vie de couple, elle aussi « ordinaire », mais pour moi, tellement unique. L’accueil de nos quatre enfants en est le sommet incomparable, la joie sans pareil que Dieu nous a donnée et me donne encore de vivre. Nous avons essayé, en famille, de faire grandir notre confiance en Dieu, Père plein d’amour et de miséricorde. La prière en couple où avec les enfants, les temps de ressourcement spirituel, de solides amitiés, mais aussi une vie en Eglise au sein d’une communauté de fidèles priante et solidaire ont été, et sont encore, des appuis appréciables et tellement nécessaires pour partager les évènements heureux, et traverser les moments plus douloureux.
Avec Cathy, j’avais accepté un cheminement et une formation pour me préparer au diaconat, cette étape a été interrompue par son décès prématuré en 2006. Dans la foi en Jésus Christ ressuscité, je peux dire aujourd’hui que depuis la « Maison du Père » Cathy continue à cheminer avec moi, avec les enfants et avec tous ceux qu’elle a connus.
Après l’étape du deuil, j’étais interpelé une nouvelle foi par mon évêque. Deux questions se posaient alors à moi : suis-je prêt à envisager une ordination ? Et d’autre part, faut-il s’orienter vers le diaconat ou bien se préparer à devenir prêtre ?
Un temps de discernement était indispensable, il fallait aussi le temps du dialogue avec les enfants qui avaient besoin, eux aussi, de se préparer à l’idée d’un papa qui devient prêtre.
Mais pourquoi cet appel insistant à servir d’une nouvelle façon l’église que je sers déjà en tant qu’’Econome diocésain, et membre de l’Equipe d’Animation Pastorale de ma paroisse ?
Pourquoi moi, pauvre pêcheur sans compétence particulière pour assurer un ministère dans l’Eglise ? J’ai pu porter ce questionnement dans le cadre d’une démarche organisée par la province de Clermont (les 4 diocèses d’Auvergne). Pendant un an, avec les prêtres responsables des vocations, j’ai suivi des rencontres régulières avec quelques hommes, eux aussi interpelés pour une éventuelle ordination. Les échanges et la fraternité vécus dans ce groupe, l’apport et le témoignage des prêtres présents, ont contribué à faire murir la décision et à m’orienter vers le choix d’une ordination presbytérale.
Il est toujours difficile de répondre à l’appel, de faire tomber ses résistances, ses craintes. Mais s’offrir à Dieu n’est pas à portée humaine, Jésus nous le dit dans l’Evangile : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure… » Jn 15,16.
Alors, dans la joie et la paix, confiant en la Parole du ressuscité, je m’en remets à Jésus qui nous dit : « le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14,6).
Jean-Paul ROLLAND
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